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De même que les victimes sacrificielles sont, en
principe, offertes à la divinité et agréées par elle, le système
judiciaire se réfère à une théologie qui garantit la vérité de sa justice.
Cette théologie peut même disparaître, comme elle a disparu dans notre
monde, et la transcendance du système demeurer intacte. Il s'écroule des
siècles avant que les hommes se rendent compte qu'il n'y a pas de
différence entre leur principe de justice et le principe de la vengeance.
(...)
Une fois qu'il n'y a plus de transcendance, religieuse, humaniste, ou de
tout autre sorte, pour définir une violence légitime et garantir sa
spécificité face à toute violence illégitime, le légitime et l'illégitisme
de la violence sont définitivement livrés à l'opinion de chacun,
c'est-à-dire à l'oscillation vertigineuse et à l'effacement. Il y a autant
de violences légitimes désormais qu'il y a de violents, autant dire qu'il
n'y en a plus du tout. Seule une transcendance quelconque, en faisant
croire à une différence entre le sacrifice et la vengeance, ou entre le
système judiciaire et la vengeance, peut tromper durablement la violence.
(...)
Le religieux est donc loin d'être « inutile ». Il déshumanise la violence,
il soustrait à l'homme sa violence afin de l'en protéger, faisant d'elle
une menace transcendante et toujours présente qui exige d'être apaisée par
des rites appropriés ainsi que par une conduite modeste et prudente. Le
religieux libère vraiment l'humanité car il délivre les hommes des
soupçons qui les empoisonneraient s'ils se remémoraient la crise telle
qu'elle s'est réellement déroulée.
Penser religieusement, c'est penser le destin de la cité en fonction de
cette violence qui maîtrise l'homme d'autant plus implacablement que
l'homme se croit plus à même de la maîtriser. C'est donc penser cette
violence comme surhumaine, pour la tenir à distance, pour renoncer à elle.
Quand l'adoration terrifiée faiblit, quand les différences commencent à
s'effacer, les sacrifices rituels perdent leur efficacité: ils ne sont
plus agréés. Chacun prétend redresser lui-même la situation mais personne
n'y parvient: le dépérissement même de la transcendance fait qu'il n'y a
plus la moindre différence entre le désir de sauver la cité et l'ambition
la plus démesurée, entre la piété la plus sincère et le désir de se
diviniser. |
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Rapport à l'autre
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